Le cycle des désastres: hystérie de l'éternité
Le Gallo, Boulogne-Billancourt, Fr
2022

LE CYCLE DES DÉSASTRES

“Hystérie de l'éternité” est le premier opus du cycle des désastres. Le cycle des désastres est un flux d’exposition prenant place dans un monde sans humain. Chaque édition dresse le panorama d’une planète Terre désertée depuis fort longtemps, une planète sur laquelle des cataclysmes continuent à se produire. Ce monde, persuadé qu’il se défiera à notre regard en nous imaginant disparu, continuera à vivre ce que nous qualifions aujourd’hui de “désastre”, à l’instar des tremblements de terre, inondations ou radiations.

L’extinction de l’humanité est plus que jamais d’actualité. Si les titres de presse nous alertent quotidiennement des dangers qui nous guettent, nul.le ne peut deviner quel scénario ne deviendra finalement l’ultime jamais écrit. Le cycle des désastres se concentre sur des événements terribles qui, pour une fois, ne font aucune victime. Peut-être faut-il alors en profiter pour contempler les entropies artificielles, méditer sur la magie du hasard, expérimenter la dramaturgie du sublime.

 

HYSTÉRIE DE L'ÉTERNITÉ

“Le soleil lui-même me semble éphémère dans cette hystérie de l’éternité.”

E. Cioran

Au sein de la communauté scientifique, le processus démystifiant les tremblements de terre fait pour l’instant consensus. La croûte terrestre est divisée en plusieurs plaques, elles-mêmes soumises à une pression incroyable issue des entrailles de la Terre. Cette douzaine de plaques tectoniques est encastrée en un puzzle impossible dont les pièces sont en constante dérive, confrontation et opposition. Dans ce théâtre d’éternité, chaque oscillation de scénario finit tôt ou tard par être jouée. Les plaques dessinent ainsi une œuvre qui jamais ne sera terminée, une sorte de composition de continents en perpétuelle évolution. Oeuvre permanente modelant sans fin la planète, ses montagnes et ses déserts. Une succession d’un milliard de vies humaines ne serait pas suffisant pour profiter de l’ensemble du spectacle de cette mosaïque lithique, car le processus est d’une lenteur telle qu’il nous est presque impossible de le percevoir.

Pourtant il arrive parfois que quelques secondes relâchent une terrible onde de choc. Le duel entre deux plaques n’aura désigné aucun vainqueur, la pression intenable emmagasinée se libère en un éboulement de hasards. Dans un cliquetis de poussière, l’inerte est soudainement pris de spasmes grondants, une valse fatale de pixels flous. Pulsation instable, imprévisible, implacable, pulsation d’un cataclysme qui semble ne jamais s’arrêter, perdue dans un temps qui feint de se dilater. Cette force frénétique engendre une explosion entropique, une constellation dont les astres chutent aléatoirement, dans un amalgame de matière et de temps. Lorsque la Terre frissonne, l’humanité tremble avec elle. En un instant, les palaces se mélangent à l’espace, les cimetières charrient leurs restes, les espoirs vacillent comme pour mieux rebondir. Du fracas de tôle et de bitume, naît un collage surréaliste d’un monde qui plus jamais ne sera reconstruit. La surface du globe est lézardée de plaies béantes, offrant à qui voudra bien le voir, une sédimentation bouleversée de sentiments.

Andy Rankin

 

Emile Cioran in Le Livre des leurres - Gallimard, 1992, traduit du roumain par Grazyna Klewek & Thomas Bazin,

 

Avec: Irene de las Estrellas Abello, Mounir Ayache, Thomas Ballouhey, Marion Bocquet-Appel, Celia Boulesteix, Cloe Brochard, Alexia Chevrollier, Javier Carro Temboury, Boris Chouvellon, Alexandre Erre, Pierre Gaignard, Jules Galais, Julia Gault, Jules Goliath, Paul Gounon, Juan Gugger, Cesar Akli Kaci, Prosper Legault, Margaux Lelièvre, Vincent Lemaire, Miguel Miceli, Zoé Moineaud, Esteban Neveu Ponce, Celia Nkala, Nelson Pernisco, Manon Pretto, Olivier Sévère, Anna Tomaszewski, Capucine Vever, Romain Vicari, Vincent Voillat, Xolo Cuintle